YS (ou ker-Ys)
La légende historique, l’héritage culturel et artistique…
YS connue également sous le nom de « Ker Is » en breton est une cité légendaire de bretagne, ayant pris jadis naissance au large de la baie de Douarnenez… et qui fut un jour, mystérieusement engloutie dans les profondeurs de l’océan…
L’histoire raconte qu’un Roi sombre et sinistre, habitant dans la région de Cornouaille, avait coutume de partir conquérir des nouvelles richesses dans les lointaines Terre du Nord, pillant et massacrant ses ennemis grâce à une flotte maritime puissante et robuste.
Un jour, cependant, devant une forteresse, le roi Gradlon fut abandonné par son équipage, lassé de combattre dans le froid persistant de l’hiver, laissant la mort engloutir peu à peu l’âme de nombreux marins. Après l'exaltation des combats et des victoires précédentes, Gradlon désormais seul, sombra dans une profonde tristesse… mais levant les yeux vers le clair de lune, il vit soudain une femme aux cheveux roux, vêtue d’une cuirasse de lumière, souveraine absolue des terres polaires : son nom était Malgven. Ensorceleuse et diabolique, la Reine du Nord arriva à convaincre Gradlon de donner la mort à son époux, permettant ainsi aux amants de rejoindre l’ancien navire du roi, en chevauchant Morvarc’h (l’étalon magique de la reine) et regagner ainsi petit à petit le Pays de Cornouaille. Soumis aux caprices du vent, le bateau perdait systématiquement sa route, et le voyage se transforma en une errance amère qui dura plus d’un an. Elle cessa un funeste jour, durant lequel Malgven mourut en donnant naissance à leur petite fille : Dahut (appelée également Ahès dans certains manuscrits).
Eprouvant une admiration sans limite pour la beauté de l’océan, Dahut exigea de son père la construction d’une nouvelle ville à son effigie, une véritable forteresse symbolisant à elle seule l’orgueil indomptable de la jeune fille. La cité d’YS prit alors naissance et se transforma très vite en une cité de divertissements cruels, de luxure et de débauche, soumise aux volontés excessives de la nouvelle Princesse, en quête de richesses abondantes. Pour combler ses désirs charnels, Dahut choisissait chaque nuit un amant en lui offrant un étrange masque de soie noire, entraînant sa mort par étouffement dés les premières lueurs du jours… Les corps sans vie des courtisans inconscients trouvèrent alors refuge dans les limbes sinistres de la baie des trépassés…
Un jour de printemps, un chevalier étrange, vêtu de rouge, au charme envoûtant tel une manifestation du diable en personne, arriva dans la ville d’Ys. Malgré l’ignorance et la méprise de ce dernier envers Ahès, la jeune princesse en tomba éperdument amoureuse, lui suppliant d’accepter de vivre à ses côtés. La mer se déchaîna de nombreuses nuits, symbole d’une furie liée à un amour trompé : « Que la tempête rugisse, les portes de la ville sont solides et c'est le Roi Gradlon, mon père, qui en possède l'unique clef, attachée à son cou » Mais Le chevalier, perfide, invita la jeune princesse a dérober la clé à son père pendant son sommeil pour en devenir l’unique propriétaire. Dahut vola la clef à son père et la donna à son sinistre amant, qui n'était autre que Satan. Les portes de la ville s’ouvrirent et la cité fut engloutie à jamais par la mer, laissant les habitant d’Ys agoniser dans d’atroces souffrances…
Le roi Gradlon et sa fille tentèrent de quitter la cité à l’aide de Morvarc'h, mais Saint Guénolé (ou « Gwenole », fondateur du monastère de Landevennec) vint près d'eux et dit à Gradlon : « Repousse le démon assis derrière toi ! » Gradlon refusa d'abord, mais convaincu que sa propre fille venait de le trahir, il finit par accepter et poussa sa fille dans l’océan. Elle se transforma alors en une créature sordide aux allures de sirène maudite condamnée à hanter les eaux troubles, en faisant perdurer la légende celtique de Keris…
L’héritage littéraire, les ouvrages qui s’inspirent de cette légende
Du conte de fée pour la jeunesse
« la légende de la ville d’YS » d’Anne Jonas & Miles Hyman, au roman beaucoup plus sophistiqué et fantastique rédigé par Jean-Yves André
« Ker Is, la cité perdue » sorti en 2006 aux éditions alternatives, la légende d’Ys a fasciné de nombreux écrivains.
Dans son ouvrage, Jean-yves André joue avec perfection avec le symbolisme celtique et religieux tant sur le plan du graphisme (enluminures de jadis, calligraphie païenne, dessins aux ciselures finement élaborées, évoquant les dentelles de métal des bijoux celtes) que sur le plan de l’écriture pure (narration agrémentée de références chrétiennes et mythologiques, personnalisation de l’histoire…) donnant ainsi tout son relief à cette autre figure de l'Atlantide. On se plonge alors très facilement dans cette cité où règne dépravation et luxure, cette ville déjà perdue avant même d’exister…
A lire en voyage, les jours de beau temps comme les jours de tempête, car il laisse une empreinte intemporelle.
L’héritage musical
Parmi les compositeurs célèbres qui ont marqué les deux derniers siècles on peut citer à titre d’exemple :
Claude Debussy (1862-1918) avec
la Cathédrale Engloutie (prélude pour piano, 1er livre)
Paul Le Flem(1881-1984) avec
La magicienne de la mer (opéra)
Cette légende celtique qui se propage sous la forme de chant jusqu’à Gwerz arrive également jusqu’aux ouies d'Edouard Lalo en 1875. Le compositeur est alors séduit par sa force épique et romanesque à tel point qu’en 1888, il en achève la version définitive d’un opéra en 3 actes.
Membres fondateurs et participants du « Roi d’Ys »
Edouard Lalo / Orchestre de Bretagne et choeur de l'Opéra de Rennes
musique
Edouard Lalo _ légende bretonne en trois actes _ Livret
Edouard Blau _ Orchestre de Bretagne - Direction musicale
Grzegorz Nowak _ Assistant
Sylvain Blassel _ Solistes
Christophe Fel, Karine Audebert, Blandine Arnoult, Luc Robert, Jean-Luc Chaignaud, Vincent Billier, Jérôme Savelon _ Chœur de l'Opéra de Rennes – Direction
Gildas Pungier Orchestre de Bretagne.
Le poème d’Edouard Blau aménage largement la légende et privilégie la submersion de la ville, l’intervention du saint et la jalousie entre les deux filles du Roi Gradlon (Petite liberté d’interprétation par rapport aux faits historiques relatés). Privilégiant l’action dramatique, Lalo ne cède à aucune concession musicale et s’échappe du lyrisme wagnérien. Bien au contraire les thèmes folkloriques envahissent la partition, ce qui assurera un certain succès.
Alors que le Roi d’Ys a aujourd’hui déserté les scènes françaises, on a peine à imaginer qu’il fut à sa création une des pièces maîtresses de l’Opéra comique au côté de Werther, de Carmen et de Pélléas et Mélisande. Par la suite, à l’instar de Margared et Karnac, deux figures emblématiques sombres de l’opéra, une malédiction semble avoir plané sur l’ouvrage, que son compositeur avait eu énormément de mal à imposer, et qui est en France injustement négligé depuis un demi-siècle. Son ouverture ressemble à un poème symphonique qui tout en exploitant les ressources des timbres et des pupitres développe le climat des différents épisodes. Quant à l’écriture de l’oeuvre, Lalo s’en est expliqué, elle est en quelque sorte un négatif de Wagner, qu’il estime inégalable dans le drame musical. D’où son choix de scènes brèves, d’airs, d’enchaînements au tempo rapide, et le recours à des thèmes du folklore régional de Bretagne.
En novembre 2007 à Toulouse, une nouvelle production du Roi d’Ys est mise à l’honneur avec notamment Rozenn, l’ange incarné, qui trouve en Inva Mula la grâce, l’harmonie et la conviction qui symbolise le personnage. Le décor conçu par
Ezio Frigerio est un immense joyau de féerie et de magie celtique.
Parmi les curiosités et raretés musicales dédiées à la légende de la ville d’Ys, on peut citer
« Legend of Ker-Ys » extrait d’un album intitulé
« blessed-heat » sorti en 1997, composé et arrangé par le groupe Alliance-Sound-Project au studio Alliance. En 2006 le groupe Wig a Wag compose le morceau Babylone Kêr-Is qui figure dans leur album éponyme, en s’inspirant fortement de la légende celtique.
On ne parler d’héritage celtique sans évoquer l’artiste américaine
Joanna Newson qui s’est vue propulsée égérie du Folk à tout juste vingt-quatre ans. Son dernier album Ys (2006-Drag city) bénéficiant d’une sublime peinture (faisant office d’auto-portrait) réalisé par Benjamin A.Vierling a suscité beaucoup de polémique.
Très complexe l’album déroute, et embarque l’auditeur dans un univers inattendu, un savant mélange entre l’orchestration moderne (Steve Albini, Van Dyke Parks, Jim o'Rourke pour le mixage…) et la virtuosité de Joanna dans le déluge subtil de notes issues de sa célèbre harpe celtique, une harpe presque magique…
Concernant le chant, il est très spécial (Joanna Newsom est pour moi une artiste inclassable, car sa voix évoque la sensibilité et la tonalité de Bjork, avec des touches mélancoliques que sait si bien introduire Marie yacoub dans les composition du groupe Malicorne…)
N’allez pas chercher là, une œuvre médiévale ou traditionnelle, mais plutôt une réalisation moderne qui fait voyager dans les terres du Nord, et qui fait réfléchir au présent, tout simplement (les morceaux Emily et Cosmia sont très intéressants et dignes d’intérêt).
La légende d’Ys n’ayant donc pas finie d’inspirer les artistes d’aujourd’hui et de demain, elle laissera sûrement encore un peu de place à des formations Dark, Gothique,ou même Black Metal qui souhaiteront se pencher sur le mythe.
Gwelas-te morverc'h, pesketour O kriban en bleo melen aour
Dre an heol splann, e ribl an dour ?
Gwelous a ris ar morverc'h venn,
M'he c'hlevis o kanann zoken
Klemvanus tonn ha kanaouenn.
As-tu vu, pêcheur, la fille de la mer,
peignant ses cheveux blonds dores
au grand soleil sur le bord de l'eau ?
J'ai vu la blanche fille de la mer,
je l'ai même entendu chanter,
plaintifs étaient l'air et la chanson.
Abaoue ma beuzet Ker Is
N'eus kavet den par da Baris
Depuis que fut noyée la ville d'Ys
on n'en a point trouvé d'égale a Paris
Pa vo beuzet Paris
Ec'h adsavo Ker Is
Quand Paris sera englouti
Resurgira la ville d'Ys
Propos et études recueillies par Sir Vladheim,
par delà les Hautes Terres du Nord