Fiel de nuit

« Un, deux, trois… »
Sereine, comme je n’ai pas envie de l’être, je sors de cette cage d'ascenseur ordinaire pour longer le couloir intérieur de l'étage. Je marche et avance dans la lumière trop vive de ce boyau bétonné de gris, guettant les néons plantés au dessus de ma tête. Je me dis qu’ils ne pacifient pas mon esprit, et me presse. Mes pas assidus me renvoient le bruit du froissement de l’étoffe que je porte, mais je n’y plaide pas une attention particulière. Finalement je bouillonne presque clandestinement. Je n’ai qu’une seule hâte : celle de rentrer là où je ne devrais pas… Il doit être deux ou trois heures du matin. La porte se dresse devant moi, enfin. Je bouillonne de Vie, je bouillonne d’Envie et me fige quelques secondes insolentes devant cet endroit qui m’a tant manqué aujourd’hui.
J’éprouve l’intime conviction que ma raison cherche à se détacher progressivement de mon Âme déjà conquise, et cela commence à m’exciter durablement. Je suis liquide de confusions, mais il est hors de question pour moi de me battre contre moi-même. Et si je dois devenir celle qui échappe à mon apparence de fille à papa, je le deviendrais. Et oui pas mieux, pas pire que ça…
La clé agrippée à mes doigts comme un piercing,  s’enfonce précisément dans le trou noir de la serrure. Je saisis de l'autre main la poignée en acier chromée, et ouvre. Mon corps se balance en avant, quitte les rayons éclatants de ce couloir commun, pour pénétrer dans un chaos privé, extrêmement privé. Il fait sombre à l’intérieur. Je pousse cette lourde porte métallique, retire la clé de cette serrure, et passe l’entrée avec autant de certitudes que celles d'un nouveau né en attente de sa première goutte de lait. Je la referme en douceur, dirigeant machinalement mon poignet au dessus de ma tête vers le verrou cranter, et là, mes doigts jouent sur la roulette huilée. Clac clac. Porte fermée contre laquelle je plaque enfin la moiteur de mon front sur le métal sans vie. Cela me fait du bien, puis pense soudainement que la solitude ne résonne plus en moi. Plus aucun bruit n’échappe à mes oreilles. Plus aucune odeur de papier d’Arménie brûlé la veille n’échappe à mes narines. Plus aucune odeur de solvant ne se prive de monter à ma cervelle. Je me retourne pour faire honneur à l'espace de mon antre toute entière, plongée dans l’obscurité grisonnante de la nuit. Oui je suis chez moi, tournant le dos à la surface lisse et glaciale de ma solide porte d’entrée, et y colle mon dos à demi nu. Mes yeux apprivoisent la noirceur, ma peau apprivoise la froideur, et somme toute, mon esprit apprivoise ses ardeurs. D’un geste presque calme, je tends mon bras vers la gauche pour déposer cette clé dans ma coupole « fourre-tout » posée sur la surface polie de ma veille commode. Je vaporise mon esprit d’une bruine analgésique pour fuir quelques instants mes désirs insubordonnés. Mon regard balaie les formes familières des ombres en relief composants mes murs. Les briques nues se foutent de l'obscurité, mais je me concentre pour en deviner chacun de leurs pourtours imparfaits. Pour le coup, je vise ensuite l’immense bais qui se dresse devant moi, comme une étoile dans la nuit. Je vise les ombres angulaires de mes tableaux accrochés, je vise les pics tendus de mes chevalets, je vise les rondeurs charnelles de mon canapé, je vise l’écran illuminé de mon portable  animé en mode veille sur mon bureau en face de moi …Pas un bruit… J’autorise enfin mon Ame à retrouver ses Esprits … Je croise mes bras sur ma poitrine, ferme les yeux… pour me souvenir…
«Je me souviens du premier clou que j’ai planté ici, de l’effritement du plâtre sous le coup aguerri. Je me souviens de cette envie de laisser respirer cette maçonnerie, de cette folie de m’y mettre comme s’il en dépendait de ma vie. Je me souviens avoir ramené seule au centre de cette vaste pièce, mes trois chevalets usés garnis de toiles inachevées, mon ancienne table de brasserie l’azurée, ma commode normande lourde comme un poids mort, et mon canapé pleine fleur noir offert par l’ancien propriétaire, d’avoir protégé mes meubles de façon pas du tout sommaire. Je me souviens de ma main qui martelait le vieux burin meurtri, de la rougeur naissante colorant mes murs qui me ravit. Je me souviens avoir déshabillé tous les murs encadrants ma pièce de vie finalement, Et surtout de cet enthousiasme porté sans ménagement.…»
Oui cet appartement du 18 ème étage m’appartient et s’apparente à un atelier spacieux : un carré, ambiance d’antan, tout de briques rouges vêtu sur un sol de ciment gris. Une immense baie ancienne, dont je prends le plus grand soin, m’ouvre sur le monde, et embrasse mon bureau en acier noir peroxydé, où j'aime prendre le temps de m'installer, pour écrire, penser ou observer. La vue panoramique se jette dans le vide, surplombant le dégueulis d’une ville pourvue de bien plus d’habitants qu’elle ne peut en contenir, et lorsque je la contemple, j’aime lancer mes droits de regard à travers le verre épais qui me protége des cris, des agressions, des vices et autres (im) perfections de la nature humaine… Je trouve en ce chaos, une inspiration délectable, inépuisable, un sentiment profond d'être le papier absorbant d'une plaie gangrenée, mais tellement symbolique… Si un Dieu existe, quelque part là haut, j’espère pour lui qu’il se donne de la peine de me comprendre… Deux portes en pin teintées miel ouvrent l’espace de cette grande pièce de vie. L’une greffée sur son flanc gauche mène au sanitaire. L'autre, sur le flanc droit, emprisonne précieusement tous mes délires, toutes mes différences, comme le ferait une bête enragée témoignant de mes joies, de mes peines et de mes déceptions aussi.
« Mais revenons aux « maux » du présent, si vous le voulez bien ! »

 « Un, deux, trois… »
À cet instant précis, je réalise… Ai-je rêvé ? Mes yeux redémarrent leurs courses, et je sens mon calme s’affadir encore de seconde en seconde. La grande baie matte ma silhouette, et me renvoie une escadrille de quelques rayons hasardeux du clair de lune. J’ai juste une envie grossissante de défoncer quelque chose, n’importe quoi, pourvu que ça me fasse mal. Je sais pertinemment pourquoi je suis rentrée ici. Je ne bouge pas, et prends mon mal en patience. Je me domine, mais je sais que cela ne durera pas. ..
« Demandez-moi l’impossible et je vous le servirais sur un plateau. Finalement, je pense que c’était une belle journée qui venait de passer, telle une étoile filante au beau milieu de ma vie. Souvenir presque vaporeux, puisse que je me retrouve en ce lieu dont le reste du monde ignore l’existence à un détail prêt… « Ce plateau servi… » Je ne suis pas seule… Oh non je ne le suis pas, et cela fait perdurer en moi une appréhension excitante, exploitable, depuis que j’ai remis les pieds ici. Je ne veux plus rester lucide. Je laisse ce sentiment de crainte vertigineuse, m’exploiter depuis que j’ai remis les pieds ici. Je laisse mon cœur se nourrir de cette peur qui me tenaille le ventre comme celle que l’on éprouve avant chaque rendez-vous tant attendu…Mais une chose est sûrement réelle, je ne suis plus que de chair. Je suis comme une gosse qui se délecte d’une friandise en cachette, tout en lenteur, pour mieux comprendre ce que le mot « plaisir » veut dire. Et je vous en prie, ne me dites pas qu’ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… Non, non, non… Vous pouvez faire mieux que de me balancer ces simplicités infantiles ! Vous qui me lisez, callés sur vos derrières remplis de certitudes et de contes de fée gazéifiés. Alors, nous verrons cela plus tard, bien plus tard.
Deux cœurs battent dans cet appartement, et cela n’est pas pour me déplaire. Pas de soupirs, pas de cris… Oui, son corps est chez moi, lové là où je le veux, et je vais me permettre de terrasser ce relent de désordre,qui émane de mes envies. Alors, Il est tant de Ressusciter les instincts! Non pas les vôtres, mais les Tiens…  Car c’est à Toi qu’appartient cette histoire plutôt empirique. Tu ne me comprends pas ? Alors fais dérailler tes certitudes et fumer tes oreilles. Libère toi de ta nature Prévisible, et planque ton venin sous ta cuirasse … Et oui ma langue se délie … Je veux que le courant passe… Maintenant ! Puisque tu es celle qui reste à ce jour… Si Saisissable et si Recherchée, Si ordinaire et si Inégalée, Si appréhendée et pourtant si Désirée.
Mais que puis-je trouver en Toi de s i (extra) ordinaire ?...
Tu M trancher le vif d’un sujet avec l’acidité d’un Agrume. Tu M réguler tes peines en épluchant des carrés de Légumes.
Tu M déléguer avec persuasion certaines Taches quotidiennes. Tu M planquer avec précaution tes Emotions malsaines.
Tu M échouer ton corps sous l’édredon pour visiter la Télévision. Tu M soigner ton apparence au point de t’affliger de charmantes épilations.
Tu M faire opérer ta Séduction pour que l’on nourrisse ton ego sans facture morose. Tu M être la seule, comme peut l’être l’unique galbe d’une rose.
Alors veux-tu savoir ce qui justifie ta présence ici ?…
J’M cette intellection incisive avec laquelle tu contemples les «autres». J’M que tu dispenses des heures à celui qui vit dans un univers décalé du notre.
J’M le caractère fielleux qui vibre dans le sillage de tes Secrets. J’M ta force de dépossession et de destruction juste après.
J’M voir ton corps embrasser la nappe vivante d’un bain coulé. J’M savoir que tu t’endors quelque fois « aux sons » de mes pensées.
J’M observer tes forces qui n’ont d’égale que leurs faiblesses. Et finalement J’M quand tu arrives à provoquer toute ma renverse.
Je reste séduite par cette faculté (auto) destructrice que nous partageons. Je trouve excitant d’observer ta faculté de Régénérescence, même si je l’envie. C’est l’histoire grotesque d’un Prédateur séduisant sa proie. Mais Ne jamais faire confiance à l’évidence car La rage à ses Raisons que la raison ne connaît pas … Je vis un emprisonnement dont il me faudra bien m’échapper. Un poison qu’il me faudra bien dégueuler un jour. Je veux vomir cette façon que tu as de me condamner, moi, comme seule coupable de ce sentiment pardonnable. Mais peut m’importe. Car au fond, une seule chose m’insupporte : Etre prise pour celle que je ne suis pas… Et malgré moi, je m’imprègne de tout ce mal que tu me fais. Seules les souffrances qui malmènent nos vies sont capables de vous faire grandir. Voilà ce que moi j’appelle mûrir… »

 « Un, deux, trois… »
À cet instant précis, je réalise… Je fais un effort, pousse mon corps avec légèreté vers le centre de la pièce. Mon dos décolle de la surface de la porte, les battements de mon cœur défilent dans mon organisme. Un pas en avant, puis un second. Mes desseins se nourrissent de ta présence unique, calfeutrée dans l’autre pièce. Je te sais anoblie de toute raison, et cela me plait. Mais la mienne, oh oui la mienne se décante petit à petit dans le flou artistique de mes pensées sadiques. La droiture statuaire de mon corps, se meut subtilement en une succession de mouvements non chalands. Je glisse à pas de louve vers la porte fantomatique de ma salle-de-bain. Silence absolu jusqu’au bourdonnements des oreilles. Mes petits pas longent le mur assombri, puis ma main pousse doucement la porte déjà entrouverte, comme l’on pousse un courrier dans une boîte à lettre. A tâtons, j’allume la lumière qui abandonne l’obscurité, et la blancheur ultra-brite étincelle des murs carrelés du sol au plafond. Mes sens en sont éblouis avec brusquerie. Je retire mes chaussures trop serrées avant d’y avancer en ligne droite vers le lavabo plaqué contre son mur du fond. Finalement la déco y est simpliste. Pas de fenêtre, pas de quoi inviter un journaliste de « Art et Décoration ». Un, deux, trois pas de chat … Ma tête simule un geste presque Imperceptible vers la gauche. Je fixe la couleur blafarde de ma baignoire. « Bel endroit pour y mourir » pensais-je en souriant… Salle-de-bain blanche comme la neige, de haut en bas, facilement javéllisable. C’est ainsi que je l’ai voulue. Mes mains se posent sur la circonférence du lavabo. Je balance ma tête de gauche à droite au dessus de sa gueule béante, comme le ferait un cheval en proie à l’ennuie. Puis je redresse ma nuque et ma vue est entravée. Cette putain de glace me projette mon visage. Mes yeux  se plantent dans mes yeux. Je me sens enfin libre. Je me souris et me maudis au même instant tragique. Je saisis d’une poigne contrôlée, le collier opalin qui me colle à la peau, et tire sauvagement. Aucun regret ne m’assaille. Je maintiens son cerclage brisé dans ma main proscrite, vise la poubelle en osier et l’y lance vigoureusement. Je me regarde. Mon maquillage si parfaitement étalé « pour » hier, est devenu au fil de quelques heures, un immonde tas de boue explosé sur la surface défraîchit de mon visage. Je m’ordonne de me démaquiller, puis après trois ou quatre morceaux de cotons balancés dans la poubelle, je défais ce chignon moulé sur mon crâne. Il m’emmerde, me suce le peu de patience qui m’habite. Je lui retire une à une les pinces qui le maintiennent. Je suis nerveuse. Je grimace en guettant les mèches partirent dans tous les sens. On dirait cette famille dégueulasse de serpents qui ramaient sur le caillou de la Méduse. Je ne le supporte pas et décide de me déshabiller complètement. Je ne laisse pas le temps  s’écouler doucereusement, mais me lance un dernier regard. Je fixe mon décolleté profond, et observe avec une perversité sans gène le galbe de mes seins. La robe que je porte est magnifique. Champagne, longue, d’une texture presque magique. J’étire mes deux bras en arrières comme pour me gratter la colonne. J’essaie d’atteindre les agrafes de couture qui flanquent mon corset. Je n’arrive pas à saisir ces satanés crochets. Et là je me souviens qu’elles étaient trois à m’enfiler cette robe hier matin. Cela me pique, cela m’exaspère. .. Je saisis la paire de ciseau  planquée dans le tiroir sous le lavabo, et commence à entamer l’étoffe. Une plaie béante s’y dessine au niveau de mon côté gauche. Je l’ouvre, l’écartèle, prenant soin de ne pas me blesser. J’y fais glisser mon bras afin d’en extraire mon épaule. J’étire encore et encore cette ouverture, afin d’y passer ma tête, puis m’en dégage l’autre bras, avant d’en absoudre ma taille. Le tissu s’étiole. La vague blondasse s’échoue à mes pieds. Et oui tout arrive, même ça… Ma poitrine respire de toute son envie, et je fais glisser mon unique sous-vêtement, en autorisant la brillance du carrelage embrasser ma fine dentelle. Je veux maintenant prendre une douche comme on se shoote à ce produit brûlé dans une petite cuillère. Je veux maintenant prendre une douche comme on respire un grand bol d’air et je me condamne fugitive de cette journée passée.

 « Un, deux, trois… »
Le ruissellement tiède sur mes articulations, nourrit ma peau d’une renaissance certaine. Mes paumes se collent sur ma tête, plaquent mes cheveux mouillés après les avoir inondés de ce produit nettoyant. J’écoute le cliquetis incessant rouler des mécaniques sur la rigidité cadavérique de la faïence propre et en profite pour libérer ma vessie de son contenu trop longtemps gardé. Je courbe ma nuque, offre mon visage à cette pluie chaude tellement souhaitée. Je voulais me plaire avant tout.
« Je pense, je pense, je pense comme « le penseur » projette des idées constructives à son esprit. Mélange du pire, mélange de … Eviter cet émoi profond dont je protégeais la pesanteur à chaque pensée de Toi. Même si Je ne désire surtout pas te contrarier. Du moins, pas tout de suite. Ne te réveille pas, pas maintenant, pas encore… Une fraction de Certitude suffit à mon esprit à me rendre malsaine de pensées. Je m’enveloppe et affectionne de plus en plus ce sentiment de véhémence qui me rapproche de Toi, plus fort encore. Tous tes mots qui me contusionnent, je veux les jeter dans un méandre dont l’univers n’existe pas encore. »
J’arrête le robinet d’eau. Je mets un pied en dehors de la baignoire, puis le second. Ma peau fume comme celle d’un Pur-sang après l’effort et j’M ça. Je prends soin de me sécher avec le mœlleux d’une large serviette, brosse mes cheveux mouillés vers l’arrière, puis pêche le peignoir bleuté suspendu au crochet mural. Je l’enfile et décide de rester nue sous cette tendresse de coton.

 « Un, deux, trois… »
Il doit être trois ou quatre heures du matin. Je me dirige hors de la pièce fumante, claque l’interrupteur et respire un bon coup. L’obscurité poussiéreuse me gobe comme une friandise. Je jette un coup d’oeil rapide sur la vue citadine. Les immeubles s’agglutinent les uns aux autres, comme une lignée de soldats perdus dans le désastre de la guerre. Cette nuit là m'offre des feus d’artifices électriques, infatigables et terriblement attirants. Je traverse la grande pièce, frôle un de mes chevalets, caresse son vieux bois, comme une mère pose la main sur son rejeton, et me dirige vers l’angle de cette égide de verre. Le carton callé à son pied m’intéresse. Je l’ouvre, et en sors d’une main une bouteille de Bordeaux et de l’autre, un verre soigneusement lavé la veille. Quelques enjambées me mènent à mon bureau où mon écran d’ordinateur joue de mille lumières. J’ai soif, pose le tout soigneusement sur la surface en verre sablé, et saisis l’ouvre-bouteille qui se trouve là. Je plante énergiquement la pointe en forme de queue de cochon dans la capsule recouvrant le liège, et tourne la anse en métal chromé. Je tire d’un coup sec. Plus de bouchon. Les émanations odorantes s’échappent vers mes narines. Quel délice. Je veux que ce liquide, rouge comme une cerise belle de vie, purifie ma soif. Je veux qu’il magnifie mon désir dont tu es le protagoniste. Je le libère en observant cette décadence rougeâtre s’échouer dans ma coupe. Je pose la bouteille entamée, et calle mes fesses dans mon fauteuil, puis doucement, croise mon genou droit sur celui de gauche, laissant mon peignoir tomber de chaque côté, en cascade, sur le sol. Je fixe ardemment la nudité dévoilée de mes cuisses croisées l’une sur l’autre et je souris en repensant au personnage de Catherine Tramell. Ma main caresse le verre poli de forme parfaite. Je saisis la souris  et clic pour réveiller mon serveur. Trois messages  venant du même destinataire. Je ne les ouvre pas. Je rêve presque, mais mes papilles appellent bien vite ce liquide délectable. Je lâche la souris et empoigne le verre. Je bois. Je bois ces lambeaux fluides et me signe peut-être pour la première fois. Un verre, un deuxième puis je ne les compte plus. Je prends le temps de m’abreuver d’une sensation de débauche qui ravive mes pensées. La bouteille se vide. Je deviens peu à peu un nuage vaporeux, parfumé et imprévisible. La bouteille est vide. Je pense, je plane, je pense et me souviens…

« Je me souviens de lui, je me souviens de moi, je me souviens de notre Amour, et cela me suffisait...
Je me souviens des préparatifs que nous avions mis en branle, il y a quelques mois. Lui m'aimait, je l'aimais. Nous étions deux à partager cet émoi.
Je me souviens du vieux parquet de cette salle que nous avions visitée au mois de mai. Je me souviens de l’atmosphère que j’avais désirée y faire régner en paix.
Je me souviens des lourds rideaux qui dormaient à l’abri du soleil depuis perpette. Je me souviens du choix des plats retrouvant l'âme des 4 coins de notre planète.
Je me souviens des Bougeoirs, Ballons, Nappages sur chacune des tables choyées. Je me souviens des couverts forgés d’élégance pour chacun de nos invités.
Je me souviens de cette très belle journée d’hier, je me souviens de toi, je me souviens de mon Amour, et cela ne me suffisait plus... »

 « Un, deux, trois… »
Et je suis là, avec un besoin de cigarettes. Mais je n’en allume pas , et me fais violence pour ne pas me faire une ligne, même si j’en ai terriblement envie. Assise sur mon siège, je fixe des yeux les pointillés lumineux clonés dans les tours bétonnées. Je prends le droit de me conduire comme je l’entends. Je suis Enola Gay, je suis Hiroshima. Je suis une Ile du Pacifique donnée en offrande à des bombardements  chimiques. Mon esprit flotte  et mijote dans une bulle d’espérance. Mes paupières clignotent, et là je décroise mes jambes. Je me matte le dessin indélébile presque parfait sur l’intérieur de l’une d’elle, et je pose mon verre vide, en me caressant d’une paume franche cet oiseaux  du Paradis tatoué qui s’envole vers la pointe de mon sexe. Je lisse de mon doigt  sa longue queue perlée de plumes, puis mes deux mains se callent sur mes genoux. Je revis. Je les remonte peu à peu vers l’intérieur de mon entre cuisse, pressant la poigne sur ma peau qui frisonne. Je malaxe sa texture avant d’enfoncer mes reins dans le creux du fauteuil. Je tourne ma tête vers la droite, vers cette pièce qui te maintient chez moi. Je la décime du regard, ai presque envie de rire de ta situation. Ma main agrippe le verre vide… J’ai bien l’intension de lui donner une seconde vie… Je pivote mes hanches callées confortablement dans mon siège pour faire face à mon entrée, et avec une force impressionnante je redresse mon buste et vise ton portrait crayonné qui me nargue dans la brume nocturne. Le temps semble freiner ses secondes, et je fusille inévitablement du regard ce projectile nourricier entrain de se transformer en un artifice d’éclats contre la surface rugueuse de mon mur. Je me réjouis de voir éparpillés sur le plat délicat de ma commode, ces fragments de verres brisés venant s’y échouer. Je me réjouis de cette violence naissante, et me dis que je venais peut-être de te réveiller avec ce bruit de vaisselle cassée… Je déteste cette idée, je déteste celles qui m’aliènent, et je me déteste aussi… Juste une envie très forte de me jeter sur Toi. Juste envie… Je me lève.
La froideur du sol se mêle piquante à la chaleur de ma peau. Mon peignoir me gène. Je réajuste avec maladresse sa ceinture sur ma taille. Je suis étonnée de constater que je ne tremble pas, mais mon sang oppresse vigoureusement mes veines. Il circule à l’intérieur de mon corps, n’épouse plus le rythme contrôlé de mes envies. Il le dépasse comme un bolide racé au 24 h du Mans, pour me prouver une fois encore ma dépendance certaine.
L’alcool est pour l’instant mon meilleur allié. Mes pensées se bousculent sur le Ring de mon inconvenance. Suis-je mon propre instrument, ou deviendrais-je un jouet des plus intimes ? Qu’importe… Mes mains se sentent trop seules, mon corps ne veut plus s’ennuyer. Mon instinct veut prendre le pas sur ma raison, et bien sûr, je le laisse faire.
Quelques pas me rapprochent de la poignée. Le degré d’excitation qui anime mes jambes, mon esprit, et mon sexe, ne cesse d’accroître la sensibilité de mes sens. Stop. Mon cœur s’expulse de mon thorax en une douleur poignante qui me transperce la poitrine. Mes mains se plaquent sur mon sein. « Non pas maintenant » suppliais-je à voix basse. Je grimace de douleur, tordue sur moi-même. Je ne tremble toujours pas et laisse plusieurs secondes à mon organisme pour se recomposer, puis me redresse lentement. Ma Raison se meurt peut-être. Je saisis la poignée. J’ouvre …
Le reste de mon existence devient désuet de tout intérêt à cet instant précis.

 « Un, deux, trois… »
J’aperçois vaporeusement les rayons grisâtres d’incandescence me poursuivre à travers le passage ouvert, pénétrant cette pièce que tu occupes. Je respire. Mon coeur tambourine et claque le reste de mes organes. Je sens leurs textures de chair se déchirer et mon incapacité d’agir explore le temps. Mes sens embaumés par l’alcool ne se ressaisissent pas. J’autorise ma main à s’agripper sur l’encadrement métallique de la porte. Je ne bouge plus. Pas un bruit, pas un cri, mais un autre soupir régulier monte à mes oreilles. Non, tu n’es pas réveillée et c’est tant mieux. J’ai envie de gueuler, mais ne le fais pas. Je ne veux pas te réveiller encore. Oui, mes yeux percent ta silhouette comme le ferait un froid glacial qui te transpercerait les os. Je t’observe dans cet air charrié de tranquillité. Tu es la seule à ce jour à avoir mis les pieds ici. Tu es la seule à ce jour, à avoir mêlée son parfum à la fraîcheur de mon édredon vert d’espérance. Et oui pas mieux, pas pire que ça.
« Je veux arrêter de cracher des mots d’amour. Je veux Ta rébellion et traverser Ton champs magnétique… Ma force appelle ta carapace… Elle veut que le soleil de Mexico nous brûle au firmament de ce nouveau monde. J’accepte tes conditions, j’accepte les stigmates de ton caractère fielleux. Je masque tes faux pas, pour contrer mes dérives. Mais il ne suffit pas que l’on s’en sorte toi et moi. Non, cela ne me suffit plus. Et je ne veux implorer personne. Je sais qui tu es, même si cela ne te plait. Je perçois Ton enveloppe charnelle comme un zeste de féminité, ce qui dévoile un peu le sens de mes pensées d’ailleurs. Tu demeures l’Hydre de mes envies les plus secrètes. Ma lèpre s’incline sous Ton Essence qui a un cœur à l’intérieur. Voilà pourquoi, voilà pourquoi… »
Je force mes pieds nus à se décoller du sol frais, puis grimace, laissant mon instinct vaporiser ma démarche. Je pénètre cet enclos d’espérance avec autant de Certitudes que celles d’une vieille bonne fée au terme de sa vie, et je décide de ne plus m’attarder. Je veux tuer cette obscurité envahissante, je saisis le câble plongeant de ma lampe de chevet de forme courbée. Mes doigts surfent sur le fil pour atteindre son interrupteur. La lumière est. Mes tableaux lissés aux murs blancs se réveillent, comme une lignée de jurés sous l’emprise d’un tribunal. Mais je me fous de cette pensée, et regarde ton portable figé au bord de mon chevet clair de bois. Est-il programmé pour te réveiller dans quelques heures ? Mais je me fous de la réponse, et fixe mon lit tout entier nuancé de vert. Cela me suffit pour savoir que l’accusé n’est pas toujours celui que l’on croit. L’alcool est en train de bouffer toutes mes forces, mais j’ordonne immédiatement à mon cerveau de dévorer cette faiblesse. Je veux sortir de ton enfer et brûle de mon regard ta sombre tignasse débordant de ma couette. Je défais le noeud de ma ceinture de coton. Le grincement de mes dents remplit mon coeur d’ennuie Je me force à me tenir droite, debout et laisse mes genoux effleurer l’arrête latérale de mon matelas, puis je courbe mon dos comme le ferait une chatte avant de bondir. Je glisse ma main audacieuse telle une voleuse de grands chemins sous la chaleur tiède de ma couverture. Elle s’aventure et s’immisce lentement sous ton vieux tee shirt blanc qui recouvre ton torse. Elle te touche. Enfin. Je découvre ta position tant aimée, celle en chien de fusil qui incarne tes nuits. Tu es tournée vers moi, et j’éprouve cette obédience tellement caractéristique et j’M ça.
«Sentiment de mutilation, presque comme une extrême onction dans laquelle je me noie. Même si je ne veux plus être excommuniée de mon propre Coeur. Je ne veux plus être saignée aux 4 veines mais je veux te survivre aux travers de tes éloquences. Je ne tiens plus à tomber de haut. Et je me souviens de notre premier rencard nocturne, de Ta demande de ne pas faire l’Amour cette nuit là, de ton corps simplement blotti contre le mien. Je ne veux plus me souvenir de cette matinée passée à t’aimer pour la première fois… Je dérive, c’est sur, dans un Océan martyr, et Je dis merde à tout ça. »
Je moule et caresse ton côté atteint avec l’intérieur de ma main, dans cette pesanteur tranquille. Je décide de m’asseoir sur le rebord de l’édredon, pose ma ceinture défaite près de l’oreiller et continue à surfer avec précaution sur la surface soyeuse de ton épiderme. Je vise la cambrure prononcée de tes reins et y presse délicatement le plat chaud de ma paume, comme un désir de bouclier. J’ose un souffle sur la base de ton front, mais le sommeil semble t’avoir encore emportée bien O de LA. Ma poigne remonte le long de ta colonne à travers ton seul vêtement de nuit, se faufile vers la douceur de ta nuque reposée, et l’empoigne. Je guette ton calme transparent. Je guette cette sérénité que je t’envie et décide, le coeur battant d’y mettre un terme. J’approche mon visage des tes yeux fermés. J’y dépose deux baisers, et c’est là que tout commence…

 « Un, deux, trois… »
Je retire mon bras de dessous le tissu puis pousse ton corps très imperceptiblement sur le dos. Je ramène tes poignets chauds contre ta poitrine. Mes doigts lissent lentement la peau tendre de tes avant-bras. Je te sens bouger sous cet effleurement que tu sembles apprécier. Je t’observe, et ne lâche pas du regard ce médaillon siglé que tu portes à ton cou. Je jette une œillade sur tes seins encore cachés, alors « réveille toi, belle au bois qui dort. Je t’attends. Je n’ai pas envie de te voir passer ta vie au lit. » En respirant un bon coup, je me retourne vers toi pour saisir le ceinturon de fibre, puis …...
Je colle tes poignets l’un à l’autre. Les encercle. Je serre, serre. Je me lève, bascule en avant et glisse rapidement les extrémités de ce lien aux travers des formes en fer forger de ma tête de lit. Mon peignoir ouvert laisse ma peau frôler tes cheveux et j’M ça. Je prends soin d’arrimer ces attaches solidement avant que tu ne te réveilles pour de bon. Tes yeux s’entrouvrent péniblement. Tu perçois mon visage juste au dessus du tien. Tu perçois la lumière. Mais Tu ne perçois pas encore ta misère. Tout ça est bien plus fort que moi, même si à cet instant, l’effroi envahit tout mon être. J’ai envie de pleurer, mais ne le fais pas. Ca ne va pas. Je suis incapable de faire ce que l’on attend de moi, et tu le sais. Tu crois me connaître d’où ce sourire presque satisfait que je reconnais sur ta bouche quand tu réalises l’emprisonnement de tes gestes. Je me relève en te le renvoyant avec sobriété. Je suis debout, devant l’intégralité de ton corps encore couvert et Mon cœur bascule dans le monde de Gorecki…
«Finalement, tu ne le sais peut-être pas, mais j’m te regarder réguler tes peines en épluchant des carrés de légumes, j’m te voir échouer sous l’édredon pour visiter la télévision, j’m que tu t’apprécies en nourrissant ton ego plus qu’il n’en faut, j’m que tu prennes soin de ton corps, j’m t’entendre déléguer tes taches quotidiennes, j’m quand tu caches tes émotions profondes et j’m que tu sois la Seule et l’Unique. »
J’ouvre le tiroir du chevet, vise son contenu. Souris sans aucun scrupule. J’en retire un de tes dessous impeccablement pliés. Je le froisse, en comprimant mon regard dans le cyan du tien. Le temps d’une interrogation puisée en toi, puis… Un éclair de déroute te traverse, et avant même que tu ne sortes un son, je me ramène vers toi avec une rapidité exemplaire, comme un train à grande vitesse. Ma main gauche se presse sur tes poignets retenus, et je t’enfile ce paquet vigoureusement dans ton âtre salivé. Mon geste précis est sans appel. Je me redresse, fière comme une papesse. Mes doigts disparaissent à nouveau à l’intérieur de ce meuble. Ils soulèvent le bouquin de Monnehay et agrippent la fine boîte boisée glissée en son dessous. Ton regard se pointe sur elle, et nage dans des eaux troubles. Tu te mets à remuer tes jambes cachées sous la chaleur de ma couverture, comme pour feindre une fuite qui ne t’appartient pas. Ton Ame bascule peu à peu dans l’incompréhension. Je vois La peur traverser la limpidité du fond de tes yeux, et j’M ça. Tu voudrais retrouver ta liberté, mais je suis là, ne l’oublie pas. Peux-tu empêcher mon sang de se répandre dans ce méandre coincé qui existe dans le fiel de mes envies ? Je veux prendre mon temps et toi veux te précipiter !!! Après tout c’est bien ton tempérament de foutre le champ dès qu’on réplique… Je fais un pas en arrière, pose cet étui à côté de ton portable et agrippe la housse de couette. Je tire férocement pour la laisser s’échouer sur le sol, épuisant maintenant ton corps à demi nu. Je plonge mon regard noisette dans le blanc de tes yeux… Tu me fais penser à «Judith et Holopherne » de G.K en gratifiant mes sens de ton corps perdu…
« Alors j’attends que tu te libères de ta nature prévisible, j’attends de cracher mon venin dans l’urne de ta peau… Maintenant ! Car te voir toute en chair aiguise ta force sexy parrainée d’une Séduction inépuisable. J’ai envie de te croquer à pleine dent. J’ai envie de te sentir à plein poumon et je laisse craquer mes artères les unes après les autres en pensant à ton devenir. Mais avant d’en finir, je veux m’octroyer un dernier plaisir. Celui que je préfère… »
Mon coeur tambourine. Mon doigt se pose sur ma bouche pour te faire signe. Tu me guettes comme si plus personne d’autre n’existe sur cette planète, et moi j’épie la surface de ta poitrine sous ton tee shirt tendre de coton. Un roulement de soubresauts la tiraille sans ménagement. Et je me décide à approcher mon bras de ta jambe alourdie par cette angoisse. Je pose ma main sur le lait froid de sa texture. Et là, sans m’y attendre, je reçois un coup tellement vif au milieu de mon sternum, que mon corps tout entier valse en arrière, s’écrasant sur le sol, comme une bombe larguée trop tôt. Quelques secondes paf, paf, s’épuisent dans le temps… Puis je me relève prenant appui sur mes genoux. Ta peur suffit à réveiller totalement ma force de persuasion. Je ne ressens plus aucune gène. Mon regard inquisiteur balaie ton sexe dénudé qui gratifie mes désirs. Je te veux immobile, et te vois vouloir étirer énergiquement les bras dans tous les sens, mais cela ne te mène à rien et j’M ça.

« Il suffit d’une douleur comme que tu n’en as jamais connue pour savoir que tu es mortelle. Tu me plais dans tous tes états. Je vais couler vers ton centre de gravité aussi sûrement qu’une couleuvre glisse au milieu de la rivière. Juste envie d’y plonger aussi. Juste envie de me nourrir enfin et si la faute est mienne, au delà de tout, je m’en fous. Mon Esprit te dévore déjà, alors ne prend pas cet air courroucé. »
Je m’avance à nouveau et tire un trait sur ma douceur. Je me retrouve debout, face au trait de largeur de mon matelas, face au fuselage de tes deux jambes que tu serres devant moi. Ton impuissance guide ta nuque à se cabrer et je distingue une larme de colère rouler le long de ta joue. Tu me vises, et ne supportes pas cette résignation programmée. Mais je m’en fous. J’empoigne de mes mains tes chevilles nues pour y caller tout mon poids. Je serre mes poings et très doucement écarte tes jambes l’une de l’autre. Je veux maintenant masquer cette nécessité que tu as de vouloir à tout prix les refermer, à tout prix les envoyer valser. Mes mains enserrent ta peau en remontant le long de tes mollets musclés, et mon premier genou s’aventure sur le plat du matelas. J’y grimpe et avance là maintenant entre tes cuisses, avec une lenteur presque insupportable. Mon peignoir ouvert laisse ma poitrine, mon coeur et mon sexe se dévoiler au territoire que tu es. Mes doigts veulent s’enfoncer dans le sol de ma terre brûlée que tu es. Mon cœur est remplit, et Mes iris respirent dans les tiens, jusqu’au moment ou ta tête s’affale dans le soyeux de mon oreiller. Je m’installe et ancre l’autorité de mes envies. Je me retrouve tel un prieur arabe, à genoux, callée entre tes jambes. Je desserre mon emprise sous le son sourd de ton souffle devenu presque animal. Mes mains dansent par delà tes espérances. Elles sculptent les courbes dociles de tes pieds, tes jambes, tes cuisses galbées… Mes paumes dessinent le fruit de ce désir que je n’invente pas. J’embrasse des yeux ma main qui façonne tes hanches délectables de blancheur. Je suis cette louve tiraillée par la soif au bord de cette rivière enfin trouvée. Je te guette si fort comme si le reste du monde s’était évanoui en quelques secondes. Ma peau ne décolle pas de la tienne. Tes yeux se ferment, ton souffle est court et la maîtrise de ta peur est fausse. Je balance ma tête au dessus de ton sexe parfaitement épilé d’hier en faisant saliver mes sens comme le ferait un fauve au dessus d’un bon morceau de bidoche. Je bannis ta fausse indulgence et m’en remets à mes instincts. Ma nuque se courbe. Ma nuque se rapproche. Ma bouche ose un souffle sur la fragilité de tes sens concentrés ici. Un frison te parcoure comme une vague inattendue. Ma nuque révise le rythme de ton cœur que je vois trembler. Le mien me frappe. Eclatement total lorsque ma bouche se pose avec assurance sur le plat de ta cuisse tiède. Un sursaut fait tressaillir l’épiderme menacé de ta peau. J’autorise mes lèvres à se presser sur le moelleux de ta chair fraîche que j’ai idée de T’arracher. Et mes doigts, tels des crocs, s’agrippent l’un après l’autre à l’élasticité de ton bassin tendu. Ton corps cherche à se révolter. Ton corps veut une protection mais … Quel plaisir... Mes lèvres remontent comme une anguille vers la parcelle tendre de ton ventre, qui se durcit de l’intérieur. Tes jambes se mettent à gigoter, mais cela m’indiffère totalement. Je jette un oeil sur tes doigts et je les vois se fermer autour de cette ceinture qui me protége de tes propres élans... Ton souffle se lâche encore plus. Ta respiration cadence ton buste encore plus. Oui je te savoure comme la meilleure des gourmandises volée. Je toise ton entrejambe qui s’affaiblit, et le monde qui nous entoure ne compte plus. Il ne reste que toi et moi dans ce silence nourris de tes gémissements meurtris. Ma bouche scotchée comme une sangsue toute chaude, atteint le pourtour de ton nombril dévêtu. Ma langue s’amuse sur le rebord de cette cicatrice, puis déraille. Elle tourne et tourne en rond avant d’ y plonger son extrémité, répandant l’intensité de cette fièvre qui me déchaîne. Elle fait ton monde à sa façon. Je prends mon temps… Je prends ton temps… Au mon Dieu, tu n’attends plus de sentiment, et ton ciel se taillade lorsque mes mouvements dégueulent au delà de toute ton (in) espérance. Ils te déversent leurs propres ambitions. Car Oui, j’ai ce besoin inné, maintenant de satisfaire mes sens en laissant descendre mon visage entre tes cuisses… Tes douces émanations s’échappent vers mes narines. Je veux qu’elles magnifient mon désir dont tu es le protagoniste. C’est mon Enfer. Je me libère surtout et me délecte enfin de la saveur de ton sexe asséché. Ma bouche se calle à cet endroit précis où tu aimes tant qu’elle te rencontre. Ta bouche brûlante d’être pleine, éjecte un soupir profond emporté par un écho souverain, puis c’est le silence. Ma valse buccale ralentit de toute sa douceur sur la circonférence délicate de ton orifice « ami ». Je te laisse me savourer. Ma douceur chérit ton clitoris avec autant de ravissement que celui éprouvé par un jardinier à la découverte d’un nouveau bouton de rose à l’approche du printemps… Sans quitter la finesse de ta peau suave, je lève mes yeux quelques secondes et matte dédaigneusement ta bouche remplit.
Je clos mes paupières, je ne veux plus te voir. Je veux que le reste de mes sens gobe ton corps tout entier, je veux que ta saveur se décuple dans ma bouche. Je m’attarde sur cette zone bien plus érogène que ne le pensent les amantes, et t’offre mon temps… Je perçois un tremblement venant du bas de tes reins. Puis sans te prévenir, j’autorise ma langue à ouvrir avec audace, l’espace vide de ton corps. Je veux que ta liqueur purifie ma soif. Mes mains desserrent leur emprise sur tes hanches. Elles se rejoignent lentement sur ta surface matricielle habitée un court temps, il y a longtemps déjà. Ton ventre clair, je n’écoute que lui. Tes frissonnements, je ne me soumets qu’à eux. Je sais que Tu me sens plonger en toi, et une chaleur bien ambiguë déborde dans ta tête. Ma violence devient dévastatrice. Je sais que Plus aucun membre de ton corps ne semble t’appartenir. Mes lèvres infernales se cachent, se promènent, cueillant la moindre dose de plaisir, là, sur la tièdeur de ton sexe rafraîchi. Ma langue y dépose des « Bons Baisers de… » Mon sentiment de puissance a raison de toi. J’entends ton souffle continuer sa course. Il résonne dans mes oreilles comme seul écho de nos deux vies, et je te sais partir vers ce point de non retour avec certitude. Je te sens le franchir... Et là, je fais le tour de ton monde… J’imagine Tes poings qui se serrent, je sens le bas de tes reins qui se crispe, je devine ton visage à la recherche de cet air qui n’alimente plus tes poumons. Et je perçois l’incendie brûlant l’intérieur de tes viscères. Mes lèvres captent ce déchaînement violemment qui opère à l’intérieur des chairs de ton vagin et comprennent. A cet instant Mon sang se répand dans ce méandre presque écroué, qui existe dans le fiel presque apprivoisé de tes desseins. Je ne rouvre pas mes paupières, ne relève pas ma nuque et ne descotche pas ma bouche de ta peau tendre de fortune. Je ne veux pas te voir encore. Le silence ne perturbe pas ton corps foudroyé. Il le magnifie dans un écrin de soulagement. Et moi je reste là, mon visage encore comprimé sur la surface de ton sexe adoucit. J’y ressens les battements de ton sang comme si ton propre cœur se logeait là. Je « capte » l’intensité promise de cette « petite mort » tellement chérie. Quelques minutes passent … Pas un mot, pas un cris mais ton soupir irrégulier qui charme mes oreilles. Seules mes doigts caressent la surface fragile de ton ventre chaud, où vient de s’échouer la vague de mon impertinence. J’ai envie de pleurer, mais Je me retiens avec difficulté.
Je redresse mon buste fatigué, rouvre péniblement mes yeux, savoure encore et encore ton parfum imbibant mes lèvres. Je te regarde comme si mon esprit n’en avait pas assez de toi, comme si je n’arrivais pas à me saturer de toi. Et je sens mon cœur se remplir à l’excès de cette sensation de bien être qui me fait vivre. Je vois tes paupières encore closes. Je vois ton thorax encore sous l’emprise d’un calme renaissant. Je vois la forme de tes seins pointer vers le plafond, à travers ton blanc tissu. Mes mains redescendent sur chacune de tes cuisses, et je les caresse sans même m’en rendre compte. Je t’observe.
J’étire mon bras gauche pour atteindre cet étui de forme rectangulaire sur le rebord du chevet, et le pose sur le plat de ton abdomen offert. Cette sensation de froideur te fait « délier » les paupières. Tu penches la tête sur le côté pour m’observer encore une fois. Tu attends que le calme s’en prenne à ma personne. Tu sembles vidée de ton Essence. Mais ton regard me pique, me fait mal, car il est hors de question de m’apitoyer sur ton sort déjà définit. Je te souris. Tu me maudis.

« Je vis un emprisonnement dont je vais m’échapper. Un poison que je vais dégueuler. Je vais vomir maintenant cette façon que tu as de me condamner, moi, comme seule coupable de ce sentiment de chair pardonnable. Mais peut m’importe, car au fond, une seule chose me satisfait pleinement : Etre prise pour celle que je suis… Et malgré toi, je vais continuer à t’imprégner de tout ce mal que je te fais. Seules les souffrances surmontées qui ont malmené nos vies ont été capables de nous faire grandir. Voilà ce que nous devons appeler « mûrir »… Je décide maintenant d’enchaîner avec ce qui me semble juste pour moi. J’ai une terrible envie de te faire mal, d’enfoncer mes doigts dans ta chair fraîche, et d’en sentir toutes ses fragrances. J’ai une envie terrible de cisailler, malaxer ta peau pour n’en laisser qu’un amas de chair purifié par la violence de mon instinct… Je redeviens enfin moi-même, alors dis-moi pourquoi décoller mon Âme de la Tienne… Je brûle dans tes yeux, je vibre dans ton bleu et ça ... »
Mes doigts jouent sur la fermeture métallique de cet objet chéri, l’ouvrent. J’y vois la lame dépliée. Je te sens tourmentée peut-être comme jamais tu ne l’as été et j’M ça. Ta tête se redresse. Je sens ta force docile glacer mon Sang, mais Ma lumière s’éteint peu à peu. Ta bouche cherche à expulser ces monceaux de tissus qui t’appartiennent sans y arriver, et je commence à ne plus aimer ça. La lourdeur de ma nuque s’écrase dans mes épaules, comme si la puissance de ton monde venait de me donner un coup de masse. Mon cœur se désemplit. Stop. C’est là que tout finit…
Mes poumons se gonflent soudain, ma colonne se redresse fière comme un I et mes seins visent la lignée d’horizon. Mes réflexes ne m’appartiennent plus. Quelque chose me maintient au delà de mes propres envies. Mon buste se balance au dessus du tien. Ma main gauche se guide vers toi, elle plane au dessus de ta poitrine, puis s’agrippe vigoureusement à la circonférence toute entière de ta gorge chaude. J’approche ma bouche de ton visage qui exhale mon propre silence. Je sens l’effluve de ton souffle perdurer doucement, s’émanant à travers les pores de ma peau. Je sens ta bouche qui veut me dégueuler. Mes doigts enserrent ta vie qui t’échappe sous l’influence de mon regard sur ton visage. Ta face rougit sous cet effet de serre. L’enfer te consume la poitrine. Je saigne enfin… Je baisse ma tête, cherche l’étui reposé sur ton ventre que j’écrase, et le désincarcére de cet étau de chair de ma main libre. Je tire cette fine boîte déjà ouverte vers l’oreiller. Mon regard ne se détache pas du tien, et au risque de me blesser, je cherche à tâtons le manche doux et lisse de cet instrument de barbier plus que tranchant.
« Prie ton Dieu… Je prie le mien. Regarde moi à l’intérieur. La femme que tu es fait de moi l’ombre de moi-même… Crois-tu pouvoir l’Oublier ou pas ? Peux-tu encore rester aussi stoïque ou pas ? Tu ne le sais pas. Tu ne sais plus, parce que tu n’es plus que de chair. Tu te nourris maintenant de cette peur face à mon approche enfin, telle une gosse qui attend que je la libère de cette emprise incontrôlable. Tu vois, la vie se nuance à l’infini... alors… »
 « Un, deux, trois… »
Mon cœur, sacré, est tombé de haut. Je veux qu’il regagne son carcan d’innocence en terminant ses pulsions expansives. Il vide sa batterie grâce à mon inventivité. Mais je ne veux pas qu’il perde son nord. Autodérision ou autoprotection ? Je desserre la crispation de mes poings. Mes paupières sortent de leur distraction presque néfaste. Mon corps tout entier commence agréablement à se détendre comme une poupée de chiffon dans les mains d’une douce enfant. Je respire ton parfum indéniablement sucré. C’est dingue ce que le cerveau peut vous jouer comme tour ! Je suis la locataire d’une histoire « éphéméride ». Et toi tu en es propriétaire. Oui, je me sens bien, oui, mais en attendant je ne me dérobe pas. Mille pensées encore obscènes remplissent mes tiroirs. Qu’est ce que j’y peux ? Je fais tournoyer doucement ma nuque de gauche à droite, histoire de décrisper un peu mes cervicales. Puis offre la peau de mon visage aux rayons chaleureux du soleil matinal, absorbés par la grande baie vitrée plantée en face de moi. Une vision m’interpelle et je tourne la tête vers l’entrée derrière moi. J’ai envie de faire trembler les murs. Je regarde le cadre parfait aux bordures satinées de gris, protégeant depuis quelques années déjà ton portrait crayonné avec minutie. Oui celui que j’ai volé sur ton visage. Celui que tu affectionnes particulièrement. Là je revois ton regard presque masculin dans ses airs de « moi je », je ressens la douceur si délicate de ta peau. Je m’absorbe de cette image pressante de ton sexe si désirablement soigné. Je souris malgré le manque. Je souris parce que je et tu vis. Mais l’eau coule et les ponds passent par dessus. Tout n’est peut-être qu’anatomique. Je suis sûrement une allumée imprévisible, une flèche plantée dans la poitrine. Je ne vis pas dans un corps étranger. Je le guide dans mes envies toujours insoumises. Mais tu allumes aussi bien que moi. Même dans tes absences forcément prévisibles. Tu es ma cible rêvée. Tu restes ma cible préférée, et tu le sais.
Je redresse mon buste en étirant machinalement mes bras, face à cette vue panoramique offerte. Cette ville est décidément pourvue de bien plus d habitants qu’elle ne peut en contenir. Mes deux mains posées à plat sur le verre sablé de mon bureau en acier peroxydé, je me concentre une dernière fois sur mon écran d ordinateur allumé en mode Word depuis une poignée d’heures déjà. Je saisis ma souris pour jouer avec. Je relis mot après mot ce témoignage que je veux sans fin. Ma tête pourrait bien exploser. Mais comme tu le sais une bombe se désamorce, mais j’aime te faire saborder mon navire. Je bois de la cook et fume l’alcool ! Je nage au milieu des nuages et plane dans l’océan de tes yeux…et j’ai encore tendance à porter trop d’importance à ce qui n’en mérite pas autant, mais je me soigne…non je plaisante…je me force à me soigner.
Déjantée, ça oui j’aime l’être. C’est comme ça, qu’est ce que j y peux… Je saisis ma souris de plastique. Joue avec la roulette. Et retrace mot après mot le circuit de cette vague violente d’amour et de haine. Mais qu’est ce que l’amour sans une vague de violence sentimentale ? Un trait d’horizon sans le moindre relief. Triste, ordinaire, prévisible. N’es-tu pas de cet avis ?
Je laisse, à Vous qui me lisez, callés sur vos derrières remplis de certitudes et de contes de fée gazéifiés, le plaisir d’imaginer une fin à cette histoire. Mais attention, ce qui semble évident ne l’est jamais. Ce qui semble tomber sous le sens de la simplicité ne l’est pas pour moi.
Je glisse en douceur ma main gauche sous mon peignoir tendre de coton bleuté. Mes doigts frôlent la peau de ma poitrine. Ma peau est chaude. Et là je frissonne. Je touche toujours avec la même curiosité cet étui étranger qui se veut médicamenteux. Ce truc greffé sous mon épiderme au dessus de mon sein gauche, comme une boule. J’ai du mal à m’y habituer, mais il parait que ça guérit. Je regarde la belle bouteille de Bordeaux callée dans le carton à mes pieds. Je l’entamerai sûrement ce soir. Il est pratiquement 9h30 du matin. Je n’ai pas dormi. Nous sommes samedi 23 juin. C’est une belle journée qui s’annonce, et je décide de ne pas aller me coucher. Je veux un café et m’allume une cigarette.

Auteur : Muriel Petit

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