A la mémoire de toutes les innocentes victimes de la bêtise
Nicolette essaie la robe rouge de ses épousailles, elle est belle, Nicolette, elle rayonne et son sourire illumine la sombre pièce où s’entassent les herbes ensachées et celles mises à sécher sur les claies.
-« Nicolette, Dame Aude est en souffrances, dépêche-toi, elle vient de perdre les eaux et l’enfantement s’annonce difficile. »
-« J’arrive, j’ôte ma robe. Dis-lui de patienter, je me mets en route. »
Nicolette, tunique écarlate ensanglantée, membres brisés n’est plus la Damoiselle de Trêves et Pierre n’a plus de larmes à verser sur sa bien-aimée martyrisée, le bonheur est parti et la robe de noces a payé le prix du service destiné à épargner à Nicolette la souffrance du bûcher et le tourment des flammes. Pierre n’entendra plus le rire cristallin de Nicolette.
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-« Dame Aude, c’est un beau garçon, des bras vaillants pour les moissons ! ». Dame Aude pleure, tant d’enfants et si peu à partager, les bras des futurs moissonneurs sont autant de bouches à nourrir, elle ne veut plus enfanter à nouveau, elle maudit son ventre trop fécond.
-« Nicolette, je veux qu’il soit le dernier, je ne peux plus supporter la douleur de voir mes petits affamés et miséreux.
-« Aude, je compte sur ton silence, je possède les herbes qui te libèreront, tu n’enfanteras que si tu le désires et si les herbes n’agissent pas, je saurai te soulager. »
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Pierre a recueilli les cendres de Nicolette et les a placé dans un coffret de bois finement gravé par ses soins, c’est tout ce qui subsiste de son amante, son soleil. Ils devaient s’unir ici à la lune nouvelle. Maintenant, il est seul et pleure les jours heureux qui ne seront pas.
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On dit que Nicolette a saigné le jour de son supplice. De ses mains, de ses pieds, de son flanc a dégoutté le sang. On murmure que Nicolette est une sainte, elle qui n’a jamais fait le mal car Dieu ne l’aurait pas permis et que Dieu dans son infini bonté ne souhaite que le bonheur des hommes, … et des femmes.
Nicolette a passé toute sa courte vie à soulager les peines, alléger les fardeaux trop lourds à porter, elle, une sorcière, c’est pourtant ce qu’ils ont déclaré.
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-« Tu as baisé le Bouc, adoré Satan, dit tes grâces au grand Chat noir, tu as mangé rôtis de petits enfants et tu t’es livré au sabbat des sorcières auprès des pierres impies. »
Nicolette écoute et ne comprend pas, son corps brisé endure le martyre mais elle ne pleure pas.
Comment peut-on croire telles sornettes ?
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La belle Catherine Soulx aime Pierre de tout son être, elle se languit et se lamente. Celle que tous courtisent ne reçoit que du mépris de la part de Pierre, celui-ci la dédaigne, elle enrage et souffre et surtout elle haït celle qui a pouvoir sur son cœur. Elle ne sera jamais la bonne amie de Pierre tant que Nicolette vivra, mais là-dessus, elle sa petite idée, une idée qui fait son chemin dans le noir venin de son âme…
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Les juges la toisent, ils trônent et se pavanent, tout imbus qu’ils sont de leur mission sacrée, sépare le bon grain de l’ivraie, supprimer les fruits gâtés avant qu’ils ne gâtent la cueillette. Dieu les a élu pour un sombre et délicat labeur. Ils ne peuvent commettre d’erreur, guidés qu’ils sont de la main de Dieu qui ne se méprend jamais.
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Nicolette est si petite, si fragile, si dolente, que leur importe son innocence. Qui sont-ils pour la juger ? Seul Dieu juge les hommes car le mal vient des hommes et Satan n’a pas à les encourager pour qu’ils se vautrent dans la boue du péché.
Catherine sait maintenant comment se débarrasser de Nicolette, la rumeur la précède, Nicolette est une sorcière et chacun le sait même s’ils vouent à ses remèdes une confiance inébranlable.
Sorcière de mère en fille, servante du Malin, ils suffit d’en informer qui de droit et il ne restera qu’un cœur à consoler, un clou chasse l’autre..
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Même sous la question Nicolette n’a rien avoué car le mentir est un péché, et son dieu à elle ne comprend plus très bien les affaires des hommes et leur folie.
Nicolette est brisée mais entière en son âme et sa force est sa foi naïve. Elle n’a rien fait que le ciel ne puisse approuver ou pardonner.
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Pierre a enterré le coffret auprès des pierres levées puisqu’aucune terre consacrée ne peut les recevoir, à jamais exclue du mondes des vivants et des morts pour rejoindre le domaine des fées.
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Nicolette l’avait pressenti, les aiguilles qui flottaient sur l’eau de la fontaine l’en avaient persuadée, Pierre était celui qu’elle chérirai au-delà de la mort même. Elle l’aimait d’un amour si fort et si pur que nul n’aurait pu souiller cette passion. Elle la consumait de tant d’allégresse que son cœur ne pouvait la contenir.
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Catherine avait tout tenté, les philtres élaborés par des mains hideuses, les artifices, les sortilèges et les charmes après que son crime lui ai laissé quelque espoir.
Nicolette était morte et Pierre avait besoin qu’on le soutienne, elle courut échevelée vers la masure de son aimé, elle cogna de brefs coups à la porte et n’y tenant plus, elle l’ouvrit, elle vit de ses yeux baignés de larmes et d’horreur les jambes ballantes d’un pendu.
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Pierre avait rejoint Nicolette pour toujours et peu importait que la terre qui recevrai leur amour fut consacrée ou non.
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Auteur : Laura Palomo