L'Alcoolique

Sur son visage maigre et buriné
Glissent de macabres ombres, alors
Qu’aux relents de son haleine avinée
Se mêle une fétide odeur de mort.

Il tend son verre vide à l’aubergiste,
Qui le remplit, mais avec réticence,
Arborant cette expression fataliste
Du bourreau exécutant la sentence.

L’alcoolique est le moins heureux des hommes :
Souvent repoussé, abruti d’injures,
Il n’a plus que le vin, qui, comme un baume,
Apaise, un peu, le feu de ses blessures.

Chaque gorgée de ce précieux breuvage,
Pareille au tranquille flot du Léthé,
Lentement, entraîne dans son sillage
L’oubli qu’attend l’âme du condamné.

Quelquefois, il lui semble voir Charon,
Qui, émergeant de sa barque sordide,
Rame à la surface de la boisson,
Dardant alentour son regard morbide.

Puis, d’un geste, il balaie cette vision,
Préférant voir dans le fluide carmin
Le sang de sa proche résurrection
Au monde des plaisirs épicuriens.

Auteur : Rachel Gibert

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