Maux Dits

C'est une chimère Ocre, un produit d'éther,
une perfide déchéance dans un linceul de terre.
Un Cancer siropant dans mon maigre phloème,
souillant les dédales de mon viscère meurtri.
Mais en ma sépulture ressuscite et subsiste
le souvenir heureux, de notre Été bohème...
Alors j'ai marché, seul, sur des routes étrangères
Loin de tout, loin de rien, j'ai chuté ventre à terre.
J'ai contemplé l'éden chaque jour de plus près,
exorcisé mes songes dans mes limbes d'enfant...
Tant de fois vu mon sang ardemment s'enivrer
ou imbiber mes hardes de ses flots incessants...
J'ai juré, blasphémé, imploré tous les diables
et les diables en blasphème m'ont envoyé un Ange...
Les vacarmes sourds de mon enracinement
et poésies lubriques de mes nuits inconduites,
ont appelé mon âme à parler sans pudeur,
à maquiller ma peur, travestir ma douleur.
Alors, dans le plus grand des émois, je t'exprime mon tourment:

- "Vois ici ma belle, ma délicieuse oiselle,
que j'ai à jamais, gravé dans le Liège,
la marque tumultueuse des passions qui m'enchainent!
Car mon coeur est amer et son chant est étale,
abusant ma raison de sa grande infortune..."

Je te dirais aussi l'ardeur qui m'anime,
le conflit douloureux qui me dévaste quand,
je cueille en un regard la perle de cent autres,
éveillant en ma chair mille désirs d'alcôve.
Et quand je m'abandonne à mes pulsions suaves
J'enfonce ma saillie en leur pulpe brûlante
Pénétrant de ma serre, dans le trouble d'un leurre,
Ce coït fabuleux qui me rendait fiévreux...
N'ai-je jamais butiné en ta fleur le miel bleu,
en ton corps commué, car il était en peine,
la saveur onctueuse qui nourrissait mes rêves?
Et si je l'eus fait, si j'en eus abusé alors,
c'est que je ne t'aimais pas assez...
Ce n'est plus une chimère qui me nuit aujourd'hui,
c'est ton indifférence qui me terrifie.
Car elle ne manquerait pas de me mener en guerre,
en soldat désoeuvré que l'amour a châtié.
Enfin, tu me verras brandir l'étendard bleuâtre,
le pavillon noyé dans la Vallée des peintres.
Car depuis quelques temps mon âme est à Morphée
et l'étreinte de son bras me fera suffoquer...
Si, je meure à penser que je souffre en silence,
les amers regrets de ma sombre inconscience,
c'est qu'il y a trop de place dans ce vaste océan,
dans cette mer houleuse, mère de mon inconstance...
Ne te laisses pas troubler par ces quelques artifices
qui ne sont qu'un soupir que le vent m'a soufflé...
...Car si tu ne pouvais me guérir de mes troublants délires,
tu aurais pu en ton sein, me sauver, mon Amie.
Mais le temps à su faire de mon corps un tombeau.
Eclatant de son pourpre, sur mes blanches guenilles,
les débâcles de mon coeur et les flots asphyxiants,
les poudres, les crèmes glacées, les forêts enneigées...
Car enfin j'ai battu tous les fruits de ma naissance,
qui martèlent ma terre de leur chute languissante.
La Mort et son cortège, je les vois qui s'approchent.
Qui chancellent, qui gloussent, qui battent l'orphéon
et m'emportent blessé, dans les flots de l'oublie...

C'est bien la première fois que j'entends le silence...
...Mes racines, j'y renonce, rejoindrons les noyés.

Auteur : Michaël Donné

Illustration : de Denys Neumann.

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