L’autre rive, déjà loin, rejoint l’horizon passé
L’étoile du berger annonce, imminente, l’arrivée de la nuit
Et de son cortège funèbre de rêves enfouis au plus profond de nos êtres
Intimes
Des lueurs crépitantes éclairent des univers invisibles
Soleils de mondes noirs
Le notre s’étend dans l’agonie
Crépusculaire du dernier soir
Notre âme alors, prend le relais
Et distille son pâle halo de lumière blafarde
Pour éclairer la tendre réalité de nos rêves au rabais
Et balayer l’ombre de notre vie bien réelle
Nous autres, passagers des âges
Naviguons sur des mers incertaines
Doublons des caps loufoques
Amarrons dans des ports sombres et inconnus de tous
Nous, capitaines naufragés aux navires engloutis,
Sommes les seuls maîtres de notre fuite
Nous ne sommes que mouvement
L’espace comme nourriture
Et nous disposons d’une sensation nouvelle :
Le temps
Le temps n’est plus absolu
Il est absolument relatif
Ici tout n’est que relatif !
Les vibrations célestes délaissent un instant
Seulement
Les fragiles fragments de nos vies éclatées
Comme cristal devenu firmament
Veux-tu bien nous laisser maintenant,
Muse des créateurs divins ?
On a si peu de route à parcourir, et tant de mystère sur ce chemin
La longue plaine déroule son tapis luxuriant
Pendant que des montagnes couronnées de brumes sacrées
Contemplait, sous la voûte des astres noctambules
L’éphémère débâcle de nos insipides petites vies bien trop terrestres à leur goût
Reprenons le chemin qui, là-bas, comme tous les autres
Nous emmène nulle part, où plus rien ne bouge
Où la vie rejoint la mort sur le lit de l’oubli
Pour une ultime étreinte
Pour un orgasme éternel
Des enragés écorchent les couronnes de ces rois solaires
Et s’intronisent dieux de la nuit
Notre âme captive se libère de son écrin de verre
Nos yeux s’aveuglent de ne voir l’infini
Il est bien des routes sur les flancs échancrés du destin
On peut se perdre au hasard du labyrinthe sous-jacent
Qui est-il cet homme sombre, seul sur ce chemin ?
Pourquoi rêve-t-il d’en emprunter un autre ?
Ne voit-il pas qu’ils mènent tous au même endroit ?
Souffle, court, pagaye, élague, crache,
Chute…
Relève-toi
Dort, vit, gît…
…mais ne crève pas avant d’être au bout de la route
De retour
À l’endroit d’où tu étais parti
Jadis
Tu n’as fait que gravir l’échelle immonde du temps
Décrivant des cercles idiots
Dans le vide indifférent de l’espace
Déroulant à l’infini ses rubans de Moeubius,
Sous tes pieds
Tu es tout, c’est-à-dire rien
Tu soupèses de tes mains faibles
L’univers tout entier
Il pèse bien moins lourd que ma monade
D’où la raison est bannie
Pour laisser la place à la nature voluptueuse
De ma puissante folie créatrice
Nous empruntons toujours les chemins du retour
Traînant dans notre sillage avec amour
La lente litanie du temps passé
Dans une nuit d’encre, nous traversons le présent
Semant nos sens aux quatre vents
Guettant le réveil de nos appétits rassasiés
Je suis de retour
Et mon âme pleure des larmes de rêves
Qui coulent dans mon être
Et m’inondent comme une mer salée
Cicatrisant mes blessures de l’intérieur
Je suis de retour
Je reviens de là-bas, où naissent les fous
J’y reviendrai
Bientôt
Quand l’incessant mouvement du balancier sera mort
Je reprendrai le mien
Je suis de retour
Dans ce pays qui est le tien
Où ne demeure nulle place pour nous
Et nos désirs vains
Je suis de retour pour te conter la beauté des dimensions inaccessibles
Où s’est perdue, jadis, mon âme sensible
Mes racines
Immenses
Savent d’où je viens
Retour
Ô charmant refrain
Tu nous tiens pour toujours
Dans le creux monstrueux de ta main
Auteur : Mifoune