Les Limbes Oubliées

Illustration :

« For dark angels can’t fly,
They will never reach the skies
Cold are the wings of fate
For those that can’t die
Because all the beauty burns their eyes »

GREY NOVEMBER



Sous une étendue infinie de nuages noirs,
et sous des pluies diluviennes d'amers désespoirs,
les anges déchus, les ailes brisées, meurent en silence,
dans la douleur et l'ennui de regrets immenses.

Ecorchant leur chair blêmes sur des roches tranchantes,
trempant dans la boue leurs blessures noires et béantes.
Ils tentent résolument d'échapper à la mort,
afin de pouvoir s'envoler une fois encor,
vers les royaumes de félicité où jadis,
ils se gorgeaient de l'amour et de ses délices.
Mais où, si ivres de plaisirs et de vertus,
ils cherchaient encore un idéal éperdu.
De leurs espoirs et rêves aveuglés pas le voile,
ils se sont heurtés aux limites de leur candeur.
Ils ont du quitter les cieux d'augustes bonheurs,
pour les ténèbres de ce crépuscule automnal.
Là, corrompus par l'affreuse réalité,
dansent les ombres aveugles de la pâle vérité,
pendant que sous l'épaisse gaze de la pluie,
d'invisibles yeux menaçants hantent la nuit.

Plongés dans la solitude de leur agonie,
ils goûtent à l'amertume de leurs larmes impures,
à travers ces gouttes acides qui rongent leurs blessures,
s'épanche doucement l'ultime essence de leur vie.
Ils cherchent du regard un compagnon de misère,
qui viendrait soulager leurs plaintes solitaires.
Mais rien ne vient troubler la pureté livide,
de cet infini paysage morne et vide.
En eux ils ressentent toujours la fièvre tenace,
qui dispersera en cendres leur corps de glace.
Ils savent maintenant que l'ignoble maladie,
a toujours sommeillée en eux, comme endormie,
par la survivance de ridicules croyances,
et par la peste d’une maudite ignorance.
A part la mort, ils ne savent ce qu’ils attendent,
l’impuissance, la douleur et la peur sont si grandes,
que seules encore les ruines de leur humanité,
préservent leur sommeil fragile de l'éternité.

Puis, soudain, la pluie cesse,
les nuages se dispersent,
et les anges, silencieux,
peuvent entrevoir les cieux.

Leurs yeux ensanglantés face aux étoiles gelées,
ils oublient les vaines souffrances de leur corps meurtri,
et tendent leur main vers un soleil fatigué,
qui ne parvient même plus à éclairer la nuit.
Ployant sous l’astre leur ombre décharnée,
ils implorent la rédemption d’absurdes entités.
Mais dans le vide, le son même de leur voix se perd.
Le néant, comme un gouffre, engloutit leurs prières.
Alors ils ressentent à nouveau la solitude,
dont l’étreinte, après l’espoir, est encore plus rude.
Alors ils ressentent à nouveau leurs ailes brisées,
si douloureuses qu’elles les empêchent même de marcher.
L’idée d’échapper à ces terres maudites,
délaisse lentement les noirs séraphins.
Quand enfin meurt l’impossible espoir d’une fuite,
ne reste plus qu’un terrifiant silence d’airain.
Après d’interminables heures restés ainsi,
alors que vers les cieux leur bras se dresse encore,
ils demeurent là, à scruter les cieux infinis,
immobiles, tout en attendant la mort.


Leur silhouette pétrifiée, sombre mais si belle,
la tête basse et la main tendue vers le ciel,
va hanter pour quelque temps ces terres de misère,
jusqu’à ce que la pluie, de sa caresse amère,
efface enfin leur souvenir inabouti :
des pauvres statues elle rongera le contour,
pour en laisser des lames de pierre où, à leur tour,
viendront plus tard se blesser d’autres anges maudits.

Auteur : Cédric Seyssiecq

Illustration : de Sandrine Hirson.

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