Recensement du jour

Ainsi le temps comme le PAIN non rompu et nourrissant nos âmes aurait-il le don de ne pas nous VIEILLIR ? Oiseaux dans le ciel, soleil mi figue mi flotte, LENTEUR du vent entraperçu dans ses voiles clairs-obscurs par la fenêtre… On m’a dit de garder la chambre. La MALADIE a ceci de pratique et d’enrichissant qu’elle nous donne à ressentir les CHOSES. Mais à travers les brumes épaisses où le thermomètre BASCULE, la cime des merveilles est inaccessible. 39°2 de fièvre et minute après minute l’attente à mon POIGNET bat comme un pouls. Une simple montre pourtant n’étanche pas les PLAIES. Je ne connais de la vie que ces instants pour RIEN, ma seule hâte, le songe éveillé de chacun de mes JOURS, une absence qui rappelle d’anciennes saisons amères.

Ton teint s’accorde à la couleur du JOUR, ce GRIS influencé de blanc, aux relents de rouge sous la lame masquée. Ton visage ensablé de DOULEUR crie seul le soir. On nous a menti, tout est à reconstituer : les nuits trempées dans la SUIE, sur velours noir. Et leur pendant, la lumière effrayante des jours. L’ombilic de la fleur de l’âge, le soupir du glas où des milliers de VOIX se réunissent et montent. Oratorio des nuées obscènes. Les morts règlent leur mort de leur vivant (aller-retour entre les deux). Sommes-nous les SEULS acquis à notre propre cause et traversant un TEMPS que nul ne peut comprendre ?

Courrier du jour, factures, et CHOSES à FAIRE : cet insignifiant sanglant du quotidien, vautour SURVOLANT nos carcasses desséchées… Pour l’instant je suis bien en moi et je porte mon nom, ah une pensée me soulève jusqu’en haut des plus LOINTAINES sphères, où suis-je ? (à l’instant même où un rêve m’incarne en créature HUMAINE). Je n’ai pas de pitié, pas la moindre considération pour les FAIBLESSES de mes semblables, et on cherchera en vain un peu de tendresse en MOI. Ai-je toujours vécu AINSI, ou mon sang s’est-il vidé voici peu, pour renaître de ce côté-ci du MIROIR qu’on n’identifie pas, qu’on n’a jamais identifié ?

Et je vis comme ça depuis TOUJOURS sans aucune autre CHOSE à dire et j’erre avec dans mon CORPS une irréalité profonde tenant à l’imprécision des pensées : mourir à soi-même afin de se VIVRE – la réalité brise le rêve et s’en fout plein les poches, le rêve se déchire et n’obéit qu’aux siècles – comment vivions-nous AUPARAVANT ce semblable état de fait ?

Ma femme est le sang dont je suis issu, dans cette même CARNATION je rejoins le drap du suaire et la résurrection me trouve à point nommé (péninsule ensoleillée, VIE sur la TERRE, bien après l’absence où la chair s’offusque, j’habite mon corps au gré d’un vouloir qui me dépasse et me dévore : image des pierres NUES où nous grimpions avec les ONGLES…). J’ai appris par cœur tout ceci qui aujourd’hui me désigne, me résume, m’OCCUPE infiniment. Appris avant que de le vivre. Le corps est cette SURFACE délimitée à laquelle on ne peut échapper. Le corps est une malédiction.

Auteur : Philippe Nollet

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