Part I
Mon noir cœur ne sait quand commença sa descente.
Chaque déception, insidieuse, l’entraînait
Vers le fond... Et chaque flèche le gangrenait
De sa noirceur, soufflant sa flamme incandescente.
Mon âme s’enfouissait là où les indécentes
Huées s’effaçaient, où les ombres maintenaient
Le silence dans ce puits, brisaient, aliénaient
Mes sens en les noyant dans ses eaux putrescentes.
Mon esprit réclamait ce bain de noir poison,
Délivrance de tant de souvenirs violents,
L’union aux ténèbres comme ultime remède.
Puis survient ce jour où enfin nous nous croisons...
Englué dans cette nuit liquide... trop lent...
Tu passes, rapide... Je trépasse, sans aide.
Part II
Mon noir cœur, ceint de roches froides d’obsidienne,
Erige en vain des remparts à la solitude,
Gravant sans fin, en aveugle ces vers qu’élude
Toute lumière, même la plus ancienne.
Mon âme lape l’ombre, ricanante hyène
Que rattrapent les sanglots... Presque une habitude...
L’effondrement du gouffre ? Seule certitude...
Rien ne la sauvera, pas même une antienne.
Mon esprit aux ailes arrachées ne dévore
Plus que les cendres de ma passion refoulée,
Que ce charbon, cadavre d’un feu qui s’inonde.
Combien de siècle devrais-je t’attendre encore ?
Combien de perles d’ébène auront donc coulé
Sur mes joues, engeances d’une peine profonde ?
Part III
Mon noir cœur, rendu muet, se taira bientôt...
Sa voix face à l’abysse s’effacera vite...
Aussi froid, aussi sombre, il répondra à l’invite
De l’espace amnésique, infini étau.
Mon âme acceptera alors son dernier manteau
Tissés de fils de ténèbres, sombre lévite...
Linceul sans étoile... sans lune qui gravite...
Elle prendra, enfin calme, des morts le bateau...
Mon esprit soufflera sa mordante mémoire,
Eparpillera les vestiges d’espérances...
Le vide avalera leurs inutiles masses.
A ce moment... Peut-être... Mon amour de moire
Choisira sa couleur... Mon bonheur... Ma souffrance...
Rouge passionnel... Noirceur comme coup de grâce...
Auteur : Jacques Fuentealba
Illustration : Mon éphémère crépuscule de ombreflets.